Mercure de France

Mercure de France, août 1757, p. 201

Mercure de France, août 1757, p. 201

« Le mardi 12 Juillet, l’Académie royale de Musique donna pour la premiere foisl es Sibarites, acte nouveau qu’elle a substitué à celui de la Lyre enchantée. Cet acte est très bien mis au théâtre ; la décoration est convenable au sujet. Les habits sont des plus galans : tout y est assorti, tout y est dans le caractere. Le goût y a réglé la dépense. Il a été représenté devant le Roi à Fontainebleau, le 13 Novembre 1753.

Il n’y a que deux principaux rôles ; Hersilide, Reine de Sibaris, & Artole, Général des Crotoniates. L’un & l’autre sont parfaitement remplis. Le premier par Mlle Chevalier, & le second par M. Larrivée, qui fait tous les jours de nouveaux progrès. Cette entrée a beaucoup réussi. Le poëme est de M. Marmontel ; il nous a paru bien fait, heureusement coupé, & vraiment théâtral par le contraste qu’il présente. Les Crotoniates veulent subjuguer les Sibarites par la force des armes, & sont soumis eux-mêmes par l’attrait de la volupté. La musique est de M. Rameau : elle est d’une grande beauté. On y reconnoît l’Amphion de nos jours : une nouvelle haute-contre (le sieur Pepin) y a debuté par un air détaché, où il a déployé un grand volume de voix. Il joint la figure à l’organe, & a reçu de la nature des dons que l’art perfectionnera ; on le souhaite trop pour ne pas l’espérer. Nous ne sçaurions donner trop d’éloges à la fête qui termine cet acte. Elle est composée de trois pas aussi brillans que variés. Le premier est un pas fort de Crotoniates, qui est très bien rendu par MM. Lyonnois & Laval. Le second est un pas voluptueux de Sibarite, M. Vestris le danse seul, & le danse avec autant de goût qu’il est habillé.

Le dernier est rempli supérieurement par Mlle Lani, qui représente une Sibarite, & par M. Lani, son frere, qui représente un Crotoniate. Ce ballet ne laisse rien à desirer. »