Mémoires secrets (Bachaumont)

Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France, Tome 20, 1782, p. 302

Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours, ou Journal d’un observateur, Tome 20, 1782, p. 302

« 15 Juin. Castor & Pollux est comme le signal de ralliement des amateurs de la musique françoise, & à chacune de ses reprises on peut calculer les progrès de ses adversaires. La révolution arrivée en 1753, bien loin de nuire à ce bel ouvrage, sembla au contraire s’affoiblir à son apparition qui fut extrêmement brillante, & consomma la déroute des bouffons. Depuis ce temps Castor a été joué plusieurs fois, & toujours avec un triomphe plus foible. Hier on l’a encore admiré, mais sans applaudissements. Ses détracteurs le trouvent dénué de cette expression vive & énergique qui peint dans toute leur force les mouvements des passions, & dont un musicien qui se vantoit de mettre en musique la gazette de Hollande, ne pouvoit pas avoir d’idée. Mais ils accordent encore à cet ouvrage de Rameau, de grands effets d’harmonie dans les morceaux d’orchestre & dans les chœurs, & sur-tout une mélodie variée & piquante dans les airs de danse. Ils conviennent que ces qualités réunies à un très-haut degré dans cet opéra, jointes à la beauté du poëme, à la pompe de la représentation, à la richesse & à la diversité des ballets, en feront toujours un spectacle très-imposant, très-noble & propre à faire honneur à la nation. »