ORPHÉE
Description générale
Compositeur : RAMEAU, Jean-Philippe (1683-1764)
Auteur du texte : non identifié
Copiste : BOUBERT DE CORBEVILLE, Henry-Louis (1718-1721 fl.)
Copie : 1er juin 1721
Genre : Cantate française
Catalogue : RCT 27
Cantate pour une voix de dessus, flûte, violon et basse continue.
Par le charme vainqueur d'un chant harmonieux
Orphée à l'empire des ombres
Arrachoit l'objet de ses vœux,
Et le fils de Vénus, dans ces routes trop sombres
Conduisoit son triomphe à l'éclat de ses feux.
Un plaisir seul manquoit à ce mortel heureux :
Pluton, par une loi bizarre,
Avoit, jusqu'au pied du Ténare
Contraint ses regards amoureux ;
Mais de jeunes Amours une escorte riante
Essayoit d'amuser son ame impatiente
Par ces chants gracieux.
Que du bruit de tes hauts exploits
L'univers toujours retentisse,
Et qu'aux sons vainqueurs de ta voix
Désormais la terre obéisse.
L'enfer en respecte les lois.
Elle a su réparer l'outrage
Que t'avait fait l'injuste sort,
Et l'avare sein de la mort
Te rend la beauté qui t'engage.
Mais son ame sensible à la seule Eurydice,
Ne songe qu'au plaisir dont le terme est prochain :
« Cessez, dit-il, cessez un éloge si vain. »
J'ai pour témoin de ma victoire
Les beaux yeux qui m'ont enflammé.
C'est le seul prix, la seule gloire,
Dont mon cœur puisse être charmé.
À ce penser flatteur, il s'émeut, il se trouble,
Il cède enfin au violent transport
De sa flamme qui se redouble.
Attends, fais sur ton cœur encor quelques efforts !
C'en est fait... et ses yeux ont vu ceux d'Eurydice !
Triste jouet de l'infernal caprice,
Prête à quitter les sombres bords,
Une barbare main la retient chez les morts.
En vain par des nouveaux accords,
Ce malheureux époux croit attendrir Mégère.
Elle est sourde, et ce n'est qu'à l'enfant de Cythère
Qu'il fait entendre ainsi sa plainte et ses remords :
Amour, Amour, c'est toi qui fais mon crime,
C'est à toi de le réparer.
Des feux que tu sus m'inspirer
Ma chère épouse est la victime.
Amour, Amour, c'est toi qui fais mon crime,
Vole aux enfers le réparer.
Ah ! Devaient-ils nous séparer
Pour un transport si légitime ?
Amour, Amour, c'est toi qui fais mon crime.
Ne saurois-tu le réparer ?
Inutiles regrets ! à sa douleur mortelle
Tout l'abandonne sans retour.
Ce n'est plus qu'en quittant le jour
Qu'il peut rejoindre ce qu'il aime.
En amour il est un moment
Marqué pour notre récompense.
Si quelquefois par indolence
On échappe ce point charmant,
Plus souvent encor un amant
Le perd par trop d'impatience.
De ses désirs impétueux
L'amant habile est toujours maître ;
Il tâche avec soin de connaître
L'instant qui doit combler ses vœux.
Tel aujourd'hui seroit heureux
S'il n'avait voulu trop tôt l'être !