Correspondance
LETTRE DE RAMEAU À BAZIN - 9 octobre 1739
LETTRE DE RAMEAU À BAZIN
9 octobre 1739
Monsieur,
J’envoie à mon frère, Monsieur, la procuration pour vous vendre ma maison en franc aleu, sans garantie néanmoins, parce que, quoique je sois assuré de sa franchise autant qu’on le peut être par l’expérience depuis que j’en jouis, et sur ce que mon Père me l’avait assuré d’ailleurs, je ne veux point laisser de queux ; je la garantis sur tous autres événements, parce qu’ils sont de mon ressort, si vous n’êtes pas assez satisfait des pièces que je vous envoie et qui sont énoncées dans ma procuration, une jouissance depuis plus de 40 ans entre mon père et moi, cette même jouissance précédée par notre Oncle dont notre Tante sa sœur a hérité, et dont le fils qui l’a vendue à mon Père a hérité ensuite, et dont encore nous héritons de droit, car il est mort sans autres parents que nous, mais comme il est mort à Besançon avec rien, nous n’avons aussi fait mine de rien, tout cela rend la possession légitime autant qu’on puisse le désirer, sans autre titre, pour ce qui est des dettes que mon père a laissées, M. Lessore les a toutes acquittées, et si je n’en ai pas les quittances, c’est la faute de ma Sœur à qui j’avais envoyé ma procuration pour finir avec lui, et qui les a brûlées les croyant inutiles, elles ne consistaient d’ailleurs qu’en Médecines et visites de Médecin, à l’égard de Mlles de Finance, mes nièces, mon frère s’en est chargé, c’est une affaire finie, vous avez d’ailleurs 2000lt qui vous restent pour garantie de ce qui pourrait vous inquiéter sur ce sujet quoique sans sujet, tout est acquitté, et la preuve, c’est qu’on ne demande rien ; j’ai inséré dans ma procuration que vous me payeriez les 5000lt en une rescription sur M. Lorimier, de sorte qu’en m’envoyant la rescription, dont je donnerai le reçu à M. Lorimier, et dont je vous accuserai la réception, vous pouvez présenter ces reçus au Notaire comme valant de l’argent comptant, je ne veux pas que cet argent passe en d’autres mains que des vôtres aux miennes, je vous prie de n’en rien témoigner à mon frère, ma défiance est peut-être très mal fondée, d’ailleurs cela ne servirait qu’à nous brouiller, sans qu’il vous en revint rien, je sais qu’entre frères on est moins scrupuleux qu’entre amis, et qu’avec une bonne volonté supposée on peut s’imaginer bien des choses sur lesquelles on se trompe quelquefois, comme par exemple, que je puis me passer de cette somme pour quelque temps, puis le temps dont on s’était flatté ne me permet pas de tenir parole, enfin je me trompe peut-être, mais si vous ne trouvez pas moyen de me faire tenir cette somme en observant d’ailleurs les usages que vous croyez nécessaires, j’abandonne plutôt la chose, car le temps qu’elle me coûte m’est déjà onéreux, et les affaires qui languissent tant me rebutent, je vous vends de bonne foi un bien qui m’appartient très légitimement, dont le passé m’assure la jouissance paisible, et sur lequel ma conduite ne laisse mordre aucun créancier, on me doit, et ne dois rien, ainsi c’est à vous de décider, si l’affaire vous convient, examinez bien, mais soyez toujours assuré que vous n’achèterez jamais avec tant de sûreté ; Je suis avec toute la considération possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
Rameau
À Paris, ce 9 octobre 1739.
On vient de m’assurer que vous ne pourriez que trouver bon le moyen que je vous propose pour faire passer les 5000lt de vos mains aux miennes, puisque la Maison vous en répond d’avance, sinon j’imagine un moyen, s’il est possible, ce serait d’insérer dans la rescription que je ne pourrai toucher qu’après un second avis de votre part, lequel sera forcé du jour de la passassion du contrat, sur lequel le Notaire insérerait que j’ai reçu en deniers comptants vu l’avis que je vous donnerais de la réception, que vous lui montreriez, et pour lors vous n’engageriez mon frère à passer ce contrat qu’après avoir reçu mon avis. Si vous savez un meilleur moyen qui puisse nous satisfaire tous deux, vous serez le maître.
La procuration part aujourd’hui, avec les Papiers par le courrier.
Monsieur Bazin,
Place St Michel
À Dijon